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L'origine du moulin

Le moulin se situe sur la commune de Crest-Voland en Savoie, lieu-dit « en Lebey »

Suite aux recherches que nous avons effectuées, le moulin existait déjà en 1728 puisqu'il est mentionné sur la mappe Sarde (La Savoie est française depuis 1860). Nous avons retrouvé la propriétaire de l'époque, Mme Claudaz Cougnard qui avait 2 moulins, un en pente et un en plaine. Cela veut dire que ces moulins étaient un en amont, l'autre en aval.

Sur le cadastre Sarde de 1728 on distingue le moulin sur la parcelle n° 486  et le bief qui longe la parcelle 488.

Ci-après extrait du relevé foncier de 1728.

Le moulin était actionné par une roue à augets avec un canal d'amenée d'eau en bois. Lors dela restauration nous avons trouvé dans le mur une voûte par laquelle devait passer l'arbre horizontal ainsi qu'une lanterne en bois très abîmée et un pivot de soutien de l'arbre de meule.

 

Ce moulin est dans la famille depuis environ 1780 :

  • Charles Ainoz, né en 1753 premier meunier de la famille, travaillait au moulin, très probablement avant 1780.

Il figure à cette date dans l'état civil qui précise sa profession.

  • Germain Ainoz (1792-1828) lui succède.

  • Joseph-Marie Ainoz (1827-1885) reprend le moulin en 1849.

  • Joseph-Marc Ainoz (1882-1963) sera le dernier de la lignée.

Ses fils développeront conjointement une tournerie sur bois.

Meunerie et tournerie s'arrêteront en 1963, au décès de notre grand-père.

 

Mais revenons d'abord à l'histoire du moulin, qui devient plus précise et plus étonnante, « sous le règne » de Joseph-Marie Ainoz.

 

Au moulin depuis 1849, il décide en 1880 de le moderniser : il fait installer une turbine type Girard qui actionne 3 meules. Il décéda en juin 1885 laissant un passif important puisqu'il avait dû s'endetter.

 

Notre arrière grand-mère se retrouvant seule avec trois enfants mineurs (deux filles âgées de 17 et 8 ans et notre grand-père âgé de 4 ans) a réuni un conseil de famille afin de régler la succession de son mari. Elle fut nommée tutrice et aussi secondée par un subrogé tuteur.

 

« Le montant de l'actif composé d'un moulin , jardin, parcelle de pré, partie de four et d'un grenier dont la valeur est de 1 200.00 francs environ. Par contre le montant du passif composé de prix de factures non acquittées et de billets, souscrits par le défunt est de 2 190,00 francs, que d'autre part le moulin est en cours de réparations et que pour le faire produire il faudrait faire une dépense d'au moins 500,00 francs, qu'il y a donc un déficit de 1 490,00 francs et qu' ainsi la succession est tout à fait mauvaise, que dans cette circonstance, elle estime que cette succession doit être répudiée au nom des enfants mineurs, Elle requiert l'autorisation du conseil de famille qui accepte la répudiation ». (extrait d'un acte de juillet 1885).

 

En 1888, notre arrière grand-mère décida de vendre le moulin à Mr Jean-Pierre Socquet-Juglard cordonnier à Megève, avec une clause précisant que notre grand-père (âgé alors de 7 ans) rachèterait le moulin à sa majorité. Chose qui fut faite en 1903. C'est ainsi que le moulin est revenu dans la famille.Lors de la vente de 1888, un inventaire avait été réalisé.

Ci-après extrait de l'acte :

Le bâtiment du moulin comprenait dans la partie droite la meunerie sur 3 niveaux,

  • au rez de chaussée, la machinerie.

  • au 1er étage la salle des meules, l'élévateur à godets servant à remonter la farine.

  • au 2ème étage, le bluttoir, ainsi que le monte-sacs. La partie gauche était l'habitation du meunier,

  • au rez-de chaussée la cuisine avec une cheminée à feu ouvert, et une cave voutée.

  • au 1er étage 2 chambres.Cette habitation fut occupée jusqu'en 1903.

 

Notre grand-père Joseph, Marc Ainoz fut le dernier meunier.


Ce moulin pratiquait la mouture à façon. Ci- après les tarifs pratiqués en 1945 :

Durant la seconde guerre mondiale, la mouture étant très réglementée, il fallait un bon de transport du grain :

La clientèle du moulin venait de toute la commune de Crest-Voland et de Cohennoz (commune voisine), en particulier les hameaux du Cernix et des Panissats.

Les céréales étaient transportées soit à dos d'hommes, soit avec le cheval et le tombereau, voire sur une luge en hiver.Ci- après voici le nom des personnes qui apportaient leurs céréales en novembre 1942:

Ci-après les impôts dont le meunier devait s'acquitter en 1934. On peut observer qu'il y avait une taxe sur les chiens.

La Tournerie

 

Dans les années 1935, les 5 fils du meunier ont grandi. Le fils ainé Raymond âgé alors de 26 ans qui avait fait des études par correspondance et qui travaillait aux aciéries d' Ugine, eut l'idée de monter une tournerie sur bois afin de fournir du travail à ses frères. Il construisit une deuxième turbine type Pelton raccordée sur la conduite forcée du moulin. Il installa cette tournerie dans l'ancien appartement du meunier.

Cette petite entreprise a fait travailler 3 personnes pendant environ 25 ans. La production pouvait atteindre jusqu'à 300 manches à l'heure. L'entreprise était au départ au nom de Joseph Ainoz, puis fut ensuite cédée aux enfants tourneurs, sous dénomination de Ainoz Frères «successseurs».


Ci- après la panoplie des différents manches :

Les tarifs :

La production était expédiée dans toute la France. Quelques exemples :

 

  • Société Lyonnaise des galeries Lafayette Lyon.

  • Société Nationale des chemins de fer Paris

  • Ets Spagna Louis à Nice (jambes de poupées)

  • Maison Laclau jouets en gros à Bordeaux

  • Maison Vivien à Rouen

 

L'activité du moulin déclinant et l'arrivée du plastique devenant concurrentielle pour la tournerie, tout cela mit fin à cette entreprise en 1963, obligeant le reste de la famille à migrer vers la vallée pour travailler dans l'industrie.

 

Notre grand-père âgé de 81 ans décèdait cette même année.

Le moulin s'endormit au creux du ruisseau. Dans les années 1980, les poutres et planchés étant en très mauvais état, la turbine a été démontée, une paire de meules a été descendu au rez-de-chaussée. Toutes les pièces métalliques de la turbine ont été entreposées dans un coin, abandonnées à la rouille. Les parties bois soutenant les engrenages ont été brulées.

 

Par chance le moulin se trouvant dans un creux et éloigné de la route, seul un chemin y donne accès, rien n'a disparu. Depuis de nombreuses années l'idée de restaurer ce moulin nous trottait dans la tête, la retraite anticipée pour Patrick, nous a aidé à franchir le pas.

 

En 2008, nous avons décidés de sauver le patrimoine familial et communal et le faire découvrir aux visiteurs qu'ils soient du village ou d'ailleurs.


Ci dessous : Les quatre frères Ainoz : Louis, René, Joseph, Marius, devant le moulin dans les années 1935-1937.

Notre grand père Joseph, Marc Ainoz, le dernier meunier.

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